Pour un droit à une Scolarité Libre de Numérique
Notre position, en 6 000 caractères
Quand l'école transmet l’addiction des écrans à nos enfants
« Notre enfant passe trop de temps sur sa tablette, on ne peut pas le surveiller en permanence ». Comment réagissez-vous à ce témoignage? Certains diront « Ces parents sont irresponsables ! Qu'ils retirent la tablette! », d'autres « qu'ils installent un contrôle parental! » . Problème : les parents n'y sont pour rien, l'école a attribué cette tablette à l'enfant.
En novembre 2023, G. Attal, affirmait que « concernant l'usage des écrans à la maison, nous sommes proches d'une catastrophe sanitaire et éducative chez les enfants et les ados. ». Le 16 janvier 2024, E. Macron présentait la régulation de l'accès aux écrans pour les enfants comme une priorité.
Cependant, l'Éducation Nationale procède au déploiement du numérique à grande échelle. Des collectivités distribuent des tablettes à chaque enfant à partir du CM1. Il s'en sert en classe et la rapporte chez lui. La collectivité est seule administratrice, rendant impossible l'installation d'un contrôle par les parents. Pourtant, selon l'article 371-1 du Code civil les parents doivent « protéger [leur enfant] dans sa sécurité, sa santé et sa moralité ».
Certes, ce problème juridico-technique pourra être résolu, mais ces « contrôles parentaux » ne sont pas infaillibles. Ils ne peuvent se substituer à la vigilance, voire, à la surveillance, requérant de ce fait la présence des parents et faisant perdre aux enfants leur autonomie. L'Éducation Nationale impose de fait ce rôle aux parents, au sein de leur propre foyer.
Mais, a-t-on envie de développer cette culture de la surveillance?
Parce qu'il existe bien une injonction de l’Éducation Nationale pour utiliser les écrans, et notamment au domicile familial: vidéos Youtube à visionner parmi les devoirs, carnets de liaison et agendas progressivement remplacés par des Environnements Numériques de Travail, etc. Cela légitime aux yeux de l'enfant et parfois des parents un accès des enfants aux écrans de manière systématique et incite les parents à se connecter toujours plus, prônant la culture de l'immédiateté.
Quid de la pleine attention des parents envers leurs enfants?
Quid du droit à la déconnexion des enfants et des parents?
À tel point que des collégiens qui n'ont pas accès à internet chez eux ne peuvent plus faire tous leurs devoirs. Pourtant, chaque foyer est libre de ne pas donner accès aux écrans à ses enfants ou très peu.
En demandant aux enfants d’accéder aux outils numériques en dehors des heures de classe, l'Éducation Nationale s’immisce dans la vie des familles et la désorganise, favorise des réflexes de dépendance et engendre des conflits familiaux sur la gestion du temps d'écran. Ce faisant, elle dépossède les parents de leur autorité parentale quant à l'usage des écrans.
N'y a t-il pas là une atteinte à la liberté individuelle et un empiètement de l'école sur la liberté éducative des parents?
Dans un avis de juin 2022 sur « la contribution du numérique à la transmission des savoirs » , le Conseil Supérieur des Programmes (CSP1) remet en question la numérisation de l’école. Il atteste que l’usage croissant des écrans est nuisible au développement physique, psychique et cognitif des enfants. Il souligne que « les contenus à risques (sexuels, tabagiques, alcooliques, alimentaires, violents, etc.), les prescriptions de normes pour les adolescents (publicités, influenceurs, réseaux sociaux, etc.) saturent l’espace numérique. ». Par essence, ces outils peuvent donner accès à tous les contenus.
On ne peut pas attendre des enfants/adolescents qu'ils soient capables de réguler seuls leur accès aux écrans quand on voit la difficulté que cela représente pour les adultes.
Et, qu'en est-il des parents travaillant ou inconscients des dangers, dont les enfants doivent faire seuls leurs devoirs sur internet et qui seront très probablement happés par des contenus non éducatifs, voire inadaptés?
Est-ce cela l’égalité des chances?
Également, est irrecevable l'argument selon lequel nombre d'enfants auraient massivement accès aux écrans en dehors de l'école : pas tous. Et, l'école a-t-elle pour vocation d'emboîter le pas à toutes les modes ? Dans certaines classes, des tablettes sont même utilisées dès l'âge de trois ans.
Quid de la sobriété numérique?
Pourtant, pas d'inquiétudes, selon le CSP : « l’acquisition de nombreuses compétences numériques est avant tout facilitée par la maîtrise de processus de réflexion et de raisonnements complexes, acquis hors de la sphère du numérique. » Et, « une conversion tardive à cet environnement n’empêchera nullement un usage de ses outils».
Éduquer PAR le numérique n'est pas éduquer AU numérique. Nombre d'enseignants observent que les écrans sont des sources de distraction en classe (les enfants apprennent vite à ouvrir plusieurs onglets derrière le principal utilisé en cours) et s'inquiètent de la direction prise par l'Éducation Nationale avec l'usage envisagé de l'intelligence artificielle.
Enfin, le CSP recommande de « ne pas considérer l’Éducation nationale comme un marché ouvert aux stratégies commerciales des acteurs commerciaux » qui vendent des terminaux aux collectivités territoriales qui les distribuent aux élèves, consommateurs captifs. Apple proposant même d'accueillir des sorties scolaires.
Le gouvernement suédois, après avoir observé une baisse du niveau des élèves, a décidé de revenir aux manuels scolaires qui avaient été remplacés par des outils numériques. Il n'est pas trop tard.
Ainsi, il est urgent de ne pas recourir au numérique lorsque d’autres solutions existent, d'interdire que les terminaux utilisés dans l'établissement scolaire soient rapportés au domicile, d'encadrer très sérieusement leur usage, d'interdire totalement les téléphones portables dans les collèges (et non plus seulement leur usage, car il est actuellement utilisés par certains, aux toilettes par exemple), d'interdire l'usage des téléphones portables dans l'enceinte des lycées.
1 instance indépendante auprès du ministre de l’Éducation Nationale